Les nouvelles tendances du luxe : doit-on surconsommer l’exceptionnel ?
Le luxe est un mode de vie. Une vie matérielle haut de gamme. Un goût prononcé pour la qualité, le chic, l’élégant, le beau, l’exceptionnel.
C’est ce que revendiquent les plus grands couturiers et les plus grandes enseignes du prêt-à-porter (Burberry, Celine, Gucci, Givenchy, pour n’en citer que quelques-uns). Mais exposer sur le marché démocratisé et grand public d’Internet toutes ses créations n’est-il pas facteur de désenchantement pour une marque ? Brise-t-on le charme lorsque l’on se met à exposer aux yeux de tous des articles qui se veulent rares ?
Difficile de jeter la pierre aux créateurs de mode : étaler son textile sur la toile constitue l’un des meilleurs moyens de le vendre. Mais alors, où est passé l’exceptionnel, le rare et l’exclusif ?
Internet : de la vulgarisation à la vulgarité ?
Si les marques contrôlent leur propre merchandising en ligne, quid des réseaux sociaux ? Des people qui s’affichent avec telle ou telle autre marque n’est pas rare, et les enseignes elles-mêmes ne leur ont parfois rien demandé. Si des « stars » de la téléréalité, dans le but d’attirer l’attention, s’habillent avec des marques prestigieuses et étalent leurs nouveaux achats sur les réseaux, est-ce que les enseignes sont bien fières de cette représentation ?
Coco Chanel disait du luxe qu’il « n’est pas le contraire de la pauvreté, mais celui de la vulgarité ». Il s’agit de donner la primeur à la qualité plutôt qu’à la quantité. Si notre société de consommation nous enseigne et pousse à toujours posséder plus, là n’est pas le propre du luxe. On n’étale pas sa richesse, on aime à s’offrir de la qualité et de l’élégance. Afin d’attirer l’attention du marché sur un produit ou une gamme d’articles particuliers, les marques les plus prestigieuses choisissent parfois une égérie. Elles ne s’y trompent pas : l’impact commercial est immense.
Les égéries : une manne qui « donne réseau » aux marques
Car plutôt que de s’offrir des Nabila, les marques de luxe optent à raison pour des vedettes du mannequinat et du grand écran. Elles créent alors des campagnes de publicité exceptionnelles centrées sur ces personnalités, qui en tirent elles aussi un bénéfice certain. Il est bon de rappeler qu’à l’heure de la toute-puissance des réseaux sociaux, cet échange de bons procédés profite aux enseignes de luxe d’une manière encore plus vertigineuse. Car s’offrir Laetitia Casta, Kate Moss ou encore Johnny Depp est aussi synonyme d’ouverture sur leurs fans et leurs followers. E voici trois exemples révélateurs :
Pierre Niney : élégant, talentueux, jeune et pourtant déjà tant récompensé (César du meilleur acteur pour son interprétation de Yves Saint-Laurent), le comédien représente plus de 600 000 followers sur Instagram. Attiré par son aura et son style, le numéro un des stylos de luxe Mont-Blanc en a fait son ambassadeur depuis 2016.
Carla Bruni : mannequin star des années 90 (elle aura défilé pour Chanel, Dior, Versace, Givenchy, Sonia Rykiel, Christian Lacroix, Karl Lagerfeld, John Galliano, Yves Saint-Laurent), chanteuse puis première dame de France, elle devient l’égérie de la marque de luxe italienne Bvlgari. La marque profite alors de l’influence de sa nouvelle mascotte : près de 500 000 followers suivent la femme de l’ancien président de la République sur Instagram.
Eva Green : comédienne aux multiples succès au cinéma, sa féminité et son charme mystérieux ont fait l’objet de nombreuses convoitises. L’Oréal l’a choisie pour égérie, mais elle est aussi devenue le symbole d’un parfum Dior : le Midnight Poison. Elle est aussi l’égérie de la marque MontBlanc, pour laquelle elle a porté le collier Éclats… Avec brio ! Installée à Londres, actrice au rayonnement international, Eva Green constitue une garantie de poids pour les marques : une visibilité accrue sur des fans du monde entier qui apprécient l’artiste pour son élégance raffinée.
Le risque du « M’as-tu-vu ? »
Le luxe perd par définition de son caractère unique, puisqu’il est étalé sur le web par ceux qui y ont accès. Le grand public l’idéalise peut-être moins, mais fantasme toujours dessus. Et la nouvelle tendance est à la surexposition : on ne cherche plus l’exception et la qualité intrinsèque d’un produit, mais plutôt la multiplication d’objets de valeur.
Le luxe devrait donc se consommer comme le reste ? Si oui, peut-on encore parler de luxe ? Peut-être, car tout le monde n’a pas les moyens de se l’offrir. Mais ne peut-on pas considérer que c’est la notion de luxe qui a changé ? L’exceptionnel, le qualitatif et le rare étaient les fondements du luxe. Ce dernier exprimait une certaine richesse, mais permettait surtout d’exprimer qui nous sommes et de marquer le coup d’évènements particuliers. Désormais, il semble être devenu un moyen, une façon de dépenser plus d’argent pour être plus en vue, de s’épancher en dépenses pour susciter l’admiration du plus grand nombre et obtenir plus de « Vu ».
Face à cette tendance, certains résistants se sont faits les porte-paroles du luxe « traditionnel » en lui redonnant son caractère fondamental : la rareté. Fini le prêt-à-porter ! On porte rarement une robe, mais la robe que l’on porte est unique, faite sur-mesure par un couturier. Certains s’offrent des chaussures élaborées et pensées exclusivement pour leur pied. Parfois pour des egos surdimensionnés, mais pour une idée d’un luxe qui retrouve ses fondements : s’affranchir des normes sociales et être soi-même.